Pour innover, faut-il passer outre les achats ? C’est la question qui s’est posée lors du Comex exceptionnel qui s’est tenu lundi. Ordre du jour : cerner la valeur ajoutée des achats en termes d’innovation. Sous les yeux de […]
Lundi 14 mai, Olivier Roussat, pdg de Bouygues Telecom, Damien Gros, cfo de L’Oréal Luxe, Laurent Deleville, directeur open-innovation de Safran, Sophie Moreau-Follenfant, drh de Egis et Marc Sauvage, directeur général adjoint des achats et de la performance du conseil régional d’Ile-de-France se réunissaient en Comex exceptionnel… sous les yeux de 500 participants rassemblés à l’occasion des Universités des Achats 2018.
L’ordre du jour, tout aussi exceptionnel, de cette plénière d’ouverture prévoit de cerner le rôle des achats, leur valeur ajoutée, en matière d’innovation, de disruption, diraient les collègues du marketing. De nombreux cas et exemples sont évoqués. MARCOM Performance y était et voici ce qu’on en a retenu pour vous.
Sourcer largement, aller chercher des idées nouvelles, adopter un mode de fonctionnement transverse
De nombreux cas et illustrations ont été partagés. Celui de Bouygues Telecom où la contribution des fournisseurs-partenaires historiques a été sollicitée pour aider à traverser une période délicate de redressement ; d’abord par des réductions de coûts significatives sur la base d’un plan de route partagé puis par une ouverture aux idées, propositions, innovations des mêmes partenaires pour faire mieux, autrement.
Pour faire ce que Bouygues Telecom ne sait pas faire seul. Ainsi, Olivier Roussat souligne l’importance de mener des appels d’offres suffisamment ouverts, parce que laisser la possibilité de faire évoluer les prescriptions, les spécifications, permet de poser la première pierre d’une collaboration enrichie. Ici, la première structure achats du groupe date de 2002.
Objectif : sourcer largement, aller chercher des idées nouvelles, adopter un mode de fonctionnement transverse et accepter la notion de responsabilité, jusqu’au bout de ce qui est initié par les achats, litige inclus. En allant vite, très vite, au plan opérationnel.
Réduire les coûts, certes. Et faire évoluer les process, les savoir-faire et les savoir-être
Pour le cfo de L’Oréal Luxe, ne nous voilons pas la face, le facteur essentiel, reste le prix. Mais l’exercice a ses limites et très vite, se posent le problème de la dépendance fournisseur et celui de la qualité. Ce cfo d’un des plus grands annonceurs français – ô combien marketing ! – reconnait bien que la décision finale appartient rarement aux achats. Mais il déclare voir dans les équipes achats qui lui reportent, un partenaire clé dans la gestion et la prévention des risques réputationnels, liés au RGPD et aux délais de paiement.
Elles sont également le plus à même de faire travailler tous les corps de métier ensemble et sont donc très attendues en matière de gestion de projet et de change management. “Les achats apportent aux Comex cet œil extérieur essentiel pour innover”, selon Damien Gros, pour qui la fonction a besoin d’une grande autonomie mais pas nécessairement d’indépendance. “Support transverse des autres fonctions, elle doit rester connectée à celles-ci”.
Chez L’Oréal Luxe, on croit beaucoup aux soft savings, ces économies liées aux process, aux savoir-faire et aux savoir-être. Et ça passe par des opérations de formation des plus basiques parfois, mais dont la maîtrise est essentielle dans ce type d’industrie : savoir construire un bon brief pour gagner en efficacité avec les agences marketing-communication ou encore se former à la gestion de projets.
Se libérer de l’obsession de la gestion du risque pour initier de nouvelles collaborations
Côté direction de l’open-innovation chez Safran, le risque pourrait être de passer outre les achats… Mais non, nous dit-on, pour deux raisons. D’abord pour éviter le risque pénal, lié aux contrats, aux commandes. Et parce que les achats ont à la fois la connaissance de l’interne tout en étant les ambassadeurs de l’écosystème vis-à-vis de l’externe. Ils sont en quelque sorte en alerte de l’entreprise étendue, capables de savoir ce que les fournisseurs peuvent apporter à l’entreprise.
Mais la limite est atteinte dans la connaissance, la capacité des achats à collaborer avec les nouveaux acteurs : start-ups, pme. Ayant constamment en ligne de mire l’analyse du risque, le rôle de l’acheteur ne serait pas compatible avec ces nouveaux acteurs qui nécessitent une approche plus souple, parfois hors process pour initier d’autres types de collaborations. Ici, chez Safran, l’open-innovation est présente aux comités achats où elle endosse un rôle de facilitateur.
Et Laurent Deleville de compléter : « On a tendance à croire que l’innovation vient des start-ups. Mais il faut d’abord aller voir si elle n’est pas déjà existante chez un fournisseur identifié. (…) Le problème clé reste de créer la confiance nécessaire à une relation long terme et innovante. Cette relation peut très vite être mise à mal avec une ou deux négociations mal menées. Nous sommes très vigilants aux risques du NIH Not Invented Here. C’est pourquoi nous encourageons dorénavant le PFE Proud to be Found Elsewhere. »
Et si achats et innovation se rejoignaient dans une notion souvent évoquée mais rarement mise en œuvre : le fameux SRM, Supplier Relationship Management ? Et Marc Sauvage de conclure « On parle beaucoup de POC mais pourquoi ne pas aller au-delà et instaurer des POB, des proof of Business qui permettraient, en partenariat avec nos fournisseurs, de transformer les concepts en business durable. »
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